Le récit de la saison 1906-1907, conclue par le titre de champion de France USFSA

Mis en ligne le 8 avril 2007 - Dernière mise à jour le 3 décembre 2023 - Temps de lecture : 7 minutes.

L'année 1907 a vu le Racing obtenir le premier de ses deux titres de champion de France, dont le centenaire a été célébré en 2007 sur Allez Racing !!! avec le récit inédit et complet de cette saison historique pour le football ciel et blanc, retranscrit ci-dessous (avec quelques corrections et amélioration apportées depuis)...

Présentation

Il faut rappeler que plusieurs fédérations existaient en ce début de vingtième siècle, mais l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA) était la principale. C’est elle qui représentait la France à la FIFA, et son championnat était le plus important dans l’hexagone. Le Racing y était affilié, et jouait en première série du championnat de Paris. Il concourrait donc pour le titre de champion régional, qualificatif pour la phase finale nationale au printemps. Le Racing avait déjà remporté le championnat de Paris en 1902 et 1903, et avait atteint la finale nationale ensuite, battu les deux fois par le RC Roubaix.

Dix clubs composaient la première série au départ de cette saison 1906-1907. Les neufs adversaires du Racing étaient ainsi l’AS Française, le CA Français, le CA Paris, le CA-14ème, le Club Français, le Gallia Club, l’US Parisienne, le Standard AC, et United SC.

Le Standard AC et le Club Français étaient les équipes les plus titrées : cinq championnats de Paris et un championnat de France pour le premier, trois championnats de Paris pour le second. Mais ils avaient bâti ces palmarès entre 1894 et 1901, et ne faisaient plus partie des meilleurs désormais.

Les favoris de la compétition qui s'ouvrait étaient en fait les trois premiers de l’édition précédente : le CA Paris, champion de Paris puis vice-champion de France ; le Gallia Club, second de Paris et qui avait été champion de France en 1905 ; et le Racing, troisième mais vainqueur de la coupe Dewar.

La première série était prévue en deux phases : une phase aller d’octobre à décembre, puis la phase retour en janvier-février concernant uniquement les six meilleurs du classement aller, sans remise à zéro des points ni effacement de ceux obtenus contre les quatre équipes éliminées.

La phase aller

Les trois favoris de l’épreuve - le Racing, le CAP et le Gallia Club - entamèrent le championnat par trois victoires d’affilée chacun. Le premier sommet se déroula à la quatrième journée avec un CAP-Gallia qui vit la large victoire des charentonnais (le CA Paris était basé à Charenton). Le Racing avait battu en même temps le CA-14ème (par 9-0 !) et ne se retrouvait donc plus à égalité qu'avec le CAP à la première place. Hasard du calendrier, c’est la semaine suivante qu’était programmé le match entre les deux équipes, avec pour enjeu de prendre la tête seul. Ce choc se joua sur le terrain du CAP, et vit les ciels et blancs frapper un grand coup en s’imposant chez leurs rivaux et tenants du titre.

Désormais seul leader, le Racing s’y pris le plus simplement possible pour garder cette place jusqu’à la fin de la phase aller : il remporta les quatre matches restants, avec notamment un 9-0 contre United, et un 8-0 contre le CA Français ! Il finit donc champion d’automne avec un bilan parfait de neuf victoires en neuf matches. Il était cependant talonné au classement par le CAP, qui avait lui aussi gagné tous ses autres matches, et pointait donc à deux longueurs seulement.

Les quatre suivants et qualifiés pour la phase retour étaient le Club Français, l’US Parisienne, l’AS Française et le Gallia Club, mais ils étaient largement détachés et n’étaient plus en course pour le titre (huit points de retard sur le Racing pour les trois premiers cités, neuf pour le Gallia qui s’était écroulé après son début victorieux).

Cette phase aller s’était achevée début décembre, laissant le temps au Racing de jouer plusieurs matches internationaux - dont les clubs étaient friands à l’époque - le reste du mois. Les ciels et blancs reçurent d'abord les anglais du Richmond Town FC et du Cambridge Clark College, tenant les premiers en échec et battant les seconds. Les anglais étant considérés comme les références en football à l'époque, ces résultats étaient donc vus comme de grandes performances. L'équipe se déplaça ensuite en Belgique le jour de Noël pour gagner chez le FC Antwerp...

La phase retour

Avant le début de la phase retour programmé pour la mi-janvier, le Racing entama l’année 1907 par une victoire de prestige contre l’Olympique Lillois en amical. Il lui restait donc ensuite cinq journées à jouer avec deux points d’avance à défendre sur le CAP, pour reprendre le titre de champion de Paris qui lui échappait depuis trois saisons. Le sommet entre les deux adversaires était programmé dès la deuxième journée, et s’annonçait clairement comme le match décisif de l’épreuve...

Il y avait une première journée avant, qui vit le Racing concéder son premier nul de la saison contre l’US Parisienne. Mais le CAP perdit en parallèle, et les ciels et blancs avaient donc porté leur avance sur les capistes à trois points avant le grand duel au sommet.

Celui-ci se joua le 20 janvier sur le terrain du Racing, et pouvait lui permettre de tuer le championnat. L'avant-match fut marqué par une polémique : l'arbitre désigné pour diriger les débats était un ancien joueur ciel et blanc apparemment connu pour avoir plusieurs fois avantagé le Racing dans le passé et le CAP n'en voulait pas. Il avait donc anticipé et réussit à faire venir au dernier moment un arbitre officiel d'Amiens, et à convaincre les officiels présents de lui donner le sifflet. Le match se joua donc ainsi, et coup de théâtre : le CAP s’imposa 2-1 ! Il revenait alors à un point et le suspens semblait relancé, mais un autre rebondissement survint dès le lendemain avec l’annulation du résultat obtenue par le Racing auprès du comité d’organisation du championnat ! Une réclamation pour déroulement irrégulier avait en effet été posée suite à la défaite, et c'est par douze voix contre neuf que le comité décida de l'accepter et de faire rejouer le match. Le report fut alors fixé à après la dernière journée, aucune autre date n'étant disponible avant...

L'explication au sommet était donc remise à la fin du championnat, mais pour qu'elle ait un enjeu il fallait que le CAP reprenne au moins un point au Racing avant. Ce fut fait dès la troisième journée, où les ciels et blancs furent accrochés par le Club Français, alors que le CAP l'emportait de son côté. Mais les racingmen écrasaient le Gallia 10-0 la journée suivante tandis que le CAP concédait à son tour le nul, et l'écart repassait à 3 points. Le Racing venait de gagner son premier match de la phase retour au bon moment !

Il alla ensuite s'imposer 5-4 à l'AS Française pour la cinquième journée, et s'assura du coup le titre avant même de rejouer contre le CAP. L'équipe était championne de Paris, et donc qualifiée pour aller défier les champions des autres régions dans la phase finale nationale le mois suivant. Le dernier match contre le CAP n'eut finalement pas lieu, les capistes refusant de le disputer, et le Racing termina ainsi le championnat invaincu... si on oublie le match du 20 janvier opportunément annulé !

La phase finale nationale

Le Racing était donc qualifié pour la phase finale nationale du championnat, qui comprenait quatorze champions régionaux. Il était exempt des deux premiers tours de celle-ci en tant que représentant de la capitale, et entra ainsi directement en quart de finale le 10 mars. Il se déplaça alors à Laval pour affronter l’US Servannaise, qu’il écrasa 5-0. La demi-finale se joua le week-end suivant contre... l’Olympique de Marseille, qui faisait lui aussi déjà partie des clubs majeurs d’alors. La rencontre se déroula à St-Cloud, et vit la victoire des ciels et blancs sur le score de 3-1. Les racingmen étaient qualifiés pour la finale nationale, comme en 1902 et 1903, et allaient donc "matcher" (comme on disait à l’époque) pour le titre de champion de France.

Avant cela, ils jouèrent un quart de finale de coupe Dewar le 24 mars, qu’ils remportèrent en prolongation contre l’US Paris. La finale du championnat était fixée au 8 avril, et en guise de préparation, le Racing alla encore jouer deux matches en Suisse contre le Servette de Genêve le week-end de Pâques. Il concéda deux lourdes défaites pour l’occasion, et ne rentra donc pas forcément en France avec le plein de confiance...

La finale

Cette finale se joua le 8 avril au Parc des Princes de l’époque, et opposa les ciels et blancs à un autre Racing : le RC Roubaix, ogre du moment. Les roubaisiens en étaient en effet à leur sixième finale nationale d’affilée, et n’en avaient perdu qu’une jusqu’alors, contre le Gallia Club en 1905. Ils étaient les grands favoris, et avaient d’ailleurs déjà barré la route du Racing au même stade de l’épreuve, en 1902 et 1903. Deux de leurs attaquants avaient joué en équipe de France en 1906 : François et Sartorius. Côté Racing, le défenseur Allemane était également international.

La première période se joua mollement, mais vit les roubaisiens dominer légèrement et ouvrir la marque. La seconde était à peine commencée, que les joueurs du Nord ajoutèrent un second but. La situation était mal engagée pour le Racing, et le champion en titre semblait bien parti pour se succéder lui-même. C’est alors que l’attaquant ciel et blanc Astley récupéra un ballon au milieu du terrain, et se lança dans un raid de quarante mètres, élimininant les adversaires un par un pour finalement marquer dans les cages vides ! Ce but relança l’équipe, qui égalisa ensuite par Matthey (selon le journal L'Auto du lendemain, ou encore Astley selon d’autres sources). Roubaix tenta alors de remettre la pression sur le Racing, mais manquait de vitesse devant.

Brève annonçant le résultat dans l'Echo de Paris du lendemain...
Et finalement, dans les dernières minutes, c’est Astley qui réédita son exploit en partant à nouveau dans une longue chevauchée depuis le milieu, pour marquer le troisième but après avoir dribblé le gardien ! Roubaix ne revint pas, et le match s’acheva donc sur ce score de 3-2, après un retournement de situation inattendu et magnifique des ciels et blancs. Le Racing était alors champion de France !

Il faut bien repréciser qu'il était champion... de l'USFSA "seulement", mais il s'agissait du titre le plus prestigieux et signifiant de l'époque. Les autres championnats existant étaient bien moins valorisés, de même que le trophée de France mis en place cette même année par un Comité Français Interfédéral créé en mars par quatre fédérations secondaires. Ce trophée n'était alors considéré que comme une sympathique initiative de tournoi final entre leurs champions - remporté pour l'occasion par l'Etoile des Deux Lacs, de la fédération des patronnages - et non un titre de champion de France "unifié" (qu'il deviendra ultérieurement quand les plus importantes fédérations du pays y concourirent toutes)...

Epilogue

La victoire sur Roubaix en finale du championnat ne marquait pas la fin de la saison. Le Racing battit ensuite le Club Français en demi-finale de la coupe Dewar, et rencontra l’Olympique Lillois en finale le 28 avril. Les ciels et blancs étaient alors en état de grâce, et écrasèrent les nordistes 4-0, s’adjugeant définitivement le trophée puisque c’était leur troisième succès d’affilée dans cette compétition.

Une semaine plus tôt, trois racingmen avaient joué dans l’équipe nationale de l'USFSA qui avait été s'imposer en Belgique (match considéré aujourd'hui comme étant "de l'Equipe de France"), Sergent et Puget ayant été sélectionnés en plus de l'habitué Allemane.

Auteur d’un triplé et donc détenteur pour un an des trois plus beaux trophées du moment (la coupe Gordon-Bennet pour la victoire en série 1, la coupe Williams pour le sacre national, et la coupe Dewar pour la compétition du même nom), le Racing disputa début mai un match de prestige contre la sélection de Paris, qui préparait son opposition annuelle avec celle du Nord. Toujours sur leur nuage, les ciels et blancs (privés de quelques éléments évidemment présents dans le camp d'en face) explosèrent leur adversaire sur le score de 5-1.

Ayant tout gagné dans l’hexagone, il restait encore au Racing à se confronter à un champion étranger, ce qu’il fit le 12 mai en demi-finale du challenge international du Nord, contre la redoutable Union Saint-Gilloise, tout juste titrée en Belgique. L'équipe se heurta cette fois à plus fort qu'elle, s’inclinant 3-1. Infatigable, elle alla encore affronter le FC Cologne la semaine suivante en Allemagne, où elle perdit encore, avant de mettre enfin un terme à sa saison et de prendre un repos estival bien mérité.

Sources des informations : presse de l'époque.