L'histoire du Racing (2ème partie) : de 1966 à 2022

Mis en ligne le 6 mai 1997 - Dernière mise à jour le 3 décembre 2023 - Temps de lecture : 10 minutes.

Le retour aux sources

Sedan a adopté le nom de RCP-Sedan quelques années, mais n'était pas le Racing, dont le flambeau avait été repris mi-juillet 1966 par le RCF. Le Conseil Fédéral acta en effet officiellement à ce moment l’abandon du professionnalisme par le RC Paris, et le renvoya comme c’était l’usage à l'étage inférieur en Championnat de France Amateur (CFA), tout en enregistrant qu’il redevenait la section football du Racing Club de France, et reprenait donc ce nom. Ce retour dans le giron de l’omnisports constituait un retour aux origines, trente-quatre ans après la décision de Jean-Bernard Levy de s’en retirer pour tenter l’aventure pro.

Le "nouveau Racing" descendit alors en DH en 1967 et mit trois ans pour remonter, en terminant pourtant second seulement du championnat de Paris en 1970, mais cette place était synonyme de passage à l’étage supérieur grâce à un élargissement des championnats nationaux. Le club déposa dans ce contexte un dossier de candidature à la nouvelle Division 2 "open", mais il ne fut pas retenu par la Fédération. Le Racing disputa ensuite sur le terrain ce retour en Division 2 au cours de la saison 1970-1971, mais fut devancé sur le fil par Cuiseaux. Les ciels et blancs firent ensuite l'ascenseur : redescente en DH en 1972, champions de Paris en 1973 et donc promotion en Division 3 (qui avait remplacé le CFA), puis nouvelle relégation en 1974. Ils s'offrirent en parallèle un joli parcours en coupe en 1972-1973, qui les amena en seizièmes de finale, où ils tombèrent contre Lyon, après avoir pourtant dominé tout le match.

Le Racing resta ensuite quatre ans en DH. Il faillit retrouver toutefois le haut niveau par des fusions avec le Paris FC (en 1974) puis le PSG (en 1977), mais les discussions n'aboutirent pas dans les deux cas. Il remonta finalement en Division 3 à l'issue de la saison 1977-1978. Second derrière la réserve du Red Star, il n'aurait dû accéder qu'à la nouvelle Division 4, mais la faillite du club audonien libéra la place à l'étage au-dessus.


La Une du magazine "France Football" pour le match de coupe contre Reims en 1980...
Le club se stabilisa cette fois-ci à ce niveau, et commença même à viser le retour en Division 2 au tournant des années 80. Mais il fut devancé en 1981 par Fontainebleau, et en 1982 par le Red Star. Il se rappela cependant au bon souvenir du monde du football en coupe par le biais de deux trente-deuxièmes de finale riches en symboles. Le club affronta ainsi Reims en 1980, dans un match qui ne manqua pas de raviver la nostalgie des grands affrontements du passé. Puis il joua en 1982 contre le grand St-Etienne, dans un match qui attira 20 000 spectateurs au Parc des Princes. Les ciels et blancs étaient alors emmenés par Jean-Michel Larqué, ex-capitaine emblématique des verts en coupe d'Europe, qui finissait sa carrière de joueur et affrontait de manière inattendue ses anciennes couleurs. L'équipe atteignit aussi les seizièmes de finale contre Lyon en 1983, mais le RCF-football (qui avait repris le nom de RC Paris en 1981) vivait alors ses derniers moments car un Racing professionnel venait de renaître en division 2, et la fusion des deux structures était programmée pour la fin de saison...

L'ère Matra

En 1982, Jean-Luc Lagardère (homme d'affaires aux multiples activités et notamment président de l’entreprise Matra) avait en effet décidé d'investir dans le football et de monter un grand club à Paris. En contact pour reprendre le Paris FC qui croulait sous les dettes en division 2, c'est en fait le grand RC Paris qu'il voulait faire renaître, et il proposa aux dirigeants du RCF - dont il était membre - un montage où c'est le club ciel et blanc qui absorberait le PFC, puis s'associerait avec l'industriel pour rebâtir une grande équipe. Après moults débats internes, le Racing Club de France renonça, en l'absence de visibilité sur le passif exact du Paris FC. Lagardère reprit alors quand même le club parisien, et avec l'accord du RCF, il le renomma Racing Paris 1, l'installa au stade de Colombes, et lui fit adopter les couleurs ciels et blanches (mais rayées verticalement). Bien que le RCF alignât toujours une équipe en division 3 en 1982-1983, le RP1 était donc la "pré-renaissance" du Racing professionnel avalisée par la rue Eblé, et il fut programmé d'emblée que l'union avec le RCP se ferait un an plus tard s’il se maintenait en D2 (les dirigeants du Racing se donnaient donc en quelque sorte un an d'observation de la viabilité du projet Lagardère avant de finaliser leur participation). La fusion se fit effectivement en 1983 : la section pro du RP1 récupéra la section football du RCF comme base amateur, ainsi que le nom de RC Paris. Les amateurs et équipes de jeunes du RP1 repartirent quant à eux sous le nom de Paris FC 83.

Le nouveau RCP retrouva la division 1 en 1984, vingt ans après l'avoir quittée, à l'issue notamment d'un barrage homérique avec Nice. Après une victoire 2-0 à l'aller, les aiglons menaient en effet à nouveau à Colombes, avant que la rencontre ne soit providentiellement arrêtée en seconde période par une pluie diluvienne ! Dans le second match, les niçois prirent à nouveau l'avantage, mais le Racing arracha la prolongation en marquant trois buts en fin de match , puis obtint sa qualification durant les trentes minutes supplémentaires. Il gagna ensuite son ticket pour l'élite contre St-Etienne. Ces matches dans un stade Yves-du-Manoir rempli furent cependant les derniers de l'époque dans l'enceinte de Colombes, le club déménageant ensuite au Parc des Princes, qu'il partagea donc avec le PSG.

L'équipe ne put cependant se maintenir en 1984-1985, et Lagardère décida l'été suivant de bâtir une armada pour remonter immédiatement, avec notamment le libero de l'équipe de France, Bossis, comme fer de lance. Ce fut le point de départ d'une politique de vedettes et d'envolée des salaires qui dura plusieurs saisons, mais ne porta jamais ses fruits. Le Racing remporta bien le titre de champion de division 2 en 1986, mais ne réussit pas à s'installer en tête de la division 1 ensuite, comme le voulait son président, malgré des sommes énormes investies chaque saison dans le recrutement. Symboles de cette politique : l'arrivée du champion du monde allemand Littbarski en 1986, le débauchage au PSG de son milieu emblématique Fernandez la même année, ou le recrutement en 1987 de l'entraîneur Arthur Jorge quelques semaines après son succès en coupe des champions avec Porto.

Mais le Racing termina dans la seconde moitié du classement en 1987, au milieu en 1988, et rechuta dans le bas du tableau la saison suivante ! Lassé des échecs de l'équipe malgré l'argent apporté, déçu d'un manque de soutien populaire et n'acceptant plus de voir le nom de sa société terni par les critiques du monde du football contre le club

Programme officiel du match suivant l'annonce du départ de Matra, en 1989...
(qui avait été rebaptisé Matra Racing en 1987), Lagardère annonça alors en avril 1989 que Matra se désengageait du football. L'équipe obtint tout de même son maintien sur le terrain dans les semaines suivantes, mais tous les principaux joueurs furent vendus en fin de saison. Avant de laisser sa place, Lagardère assura tout de même la pérennité financière du club pour un an, afin de lui laisser le temps de se retourner ...

Reprenant le nom de Racing Paris 1, l’équipe continua alors avec un effectif constitué de jeunes encadrés par les quelques anciens qui n’avaient pas trouvé de point de chute lors de l’exode ayant suivi le retrait de Matra. Ceux-ci se battirent courageusement en championnat, mais terminèrent dix-neuvièmes, relégués en division 2. Ils accomplirent cependant un parcours magnifique en coupe qui les conduisit en finale, quarante ans après la dernière contre Reims ! Au cours de cette épopée, ils réalisèrent l'exploit d'éliminer les deux premiers du championnat en quart et en demi-finale. La demie reste notamment un match d'anthologie par son déroulement et son contexte. Le championnat était en effet achevé, et le Racing, qui était relégué et sans assurance sur sa continuation, se déplaçait chez des marseillais champions de France et récents demi-finaliste de la C1. Dans un match plein de courage et de combativité, les ciels et blancs surent déjouer tous les pronostics pour revenir deux fois au score, et arracher le ballon de la victoire dans les dernières secondes.

Le RP1 put alors rêver quelques jours à un incroyable succès en coupe et une qualification européenne, mais cette belle histoire se brisa en finale sur des montpelliérains plus réalistes, qui remportèrent le match 2-1 en prolongation.

S'étant vu refuser le principe d'une subvention par la mairie de Paris, et sans autre partenaire financier après le départ de Matra, le président Piette prit alors la lourde décision en juin 1989 de faire redescendre volontairement le Racing en division 3, estimant que le risque de faillite était trop grand en division 2. Un an après le désengagement de Lagardère, ce fut donc la fin du second passage du Racing dans le championnat professionnel, au moment même où il avait pourtant failli raviver son histoire d'amour avec la coupe.

L'ancrage dans le 92

Retourné à Colombes, le club obtint une subvention du Conseil Général en 1991, et fut renommé Racing 92. Visant la remontée en division 2, il se retrouva au contraire en CN2 (la quatrième division) à la refonte des championnats nationaux de 1993.

Le club faillit alors disparaître à nouveau quand le Département annonça la fin de sa subvention, mais Jean-Louis Piette réussit à obtenir qu'une somme réduite continue à être versée pour la formation, et frappa aussi à la porte du Racing Club de France pour une aide financière. Le Racing 92 continua donc avec des moyens réduits... et enchaîna sur une saison de rêve, obtenant la montée en CN1 après barrage, et atteignant les quarts de finale en coupe, ce qui à ce moment n'était plus arrivé à un club amateur depuis 25 ans ! Il reçut pour cette occasion Auxerre au stade de St-Ouen, et tint la dragée haute à son adversaire en ouvrant le score, mais s'inclina finalement 2-1.

La saison suivante fut moins belle avec une dernière place en CN1, puis une nouvelle grosse crise éclata à l'été 1995 quand le RCF annonça qu'il n'aiderait plus le club. La disparition pure et simple menaça donc encore une fois, avant que le RCF ne se ravise après plusieurs semaines de négociations, mais à condition de reprendre le contrôle de la structure. Le Racing 92 fut alors renommé RCF 92 et redevint à nouveau une section football au sein du club omnisports, qui plaça l'ancien joueur Buzier à sa direction.

Le lunetier Afflelou approcha le club en 1996 car il voulait investir dans un club francilien, mais choisit finalement Créteil pour son projet, tout en devenant sponsor des ciels et blancs. La politique de la direction de l'omnisports changea à partir de ce moment, et la subvention au football fut augmentée. Il faut dire que le milieu des clubs parisiens commençait à s'agiter autour de la question du futur club résident du Stade de France à cette époque, qui suscitait des appétits.

Le Racing obtint la montée dans le tout nouveau National en 1997, et annonça alors (après qu'un projet de fusion avec Créteil à l'initiative d'Afflelou fut évoqué puis écarté) qu'il visait le retour en division 1 et créait une SAOS pour attirer les investisseurs indispensables au projet... qui n'arrivèrent pas. En fin de saison 1997-1998, le club déposa toutefois un dossier auprès du ministère des sports pour devenir le club résident de l'enceinte de St-Denis, mais c'est le Red Star qui fut choisi. Le Racing fut tout de même autorisé à devenir plus tard co-résident, et continua donc à ambitionner de remonter.

Il se mêla à la lutte pour la division 2 la saison suivante, et se retrouva à disputer à distance la troisième place - synonyme de promotion - avec le Gazélec lors de la dernière journée. Pour parvenir à leurs fins, les ciels et blancs devaient l'emporter à Louhans-Cuiseaux, et espérer que les corses ne gagnent pas à Créteil. Les Racingmen mirent un pied en division 2 en marquant effectivement avant la pause, mais Ajaccio mit fin au rêve ensuite en faisant de même dans le Val-de-Marne.

Après cette déception, l'omnisports décida de revenir à sa politique de ne pas soutenir de football de haut niveau, et l'équipe dut laisser partir tous ses meilleurs joueurs et abandonner l'idée de revenir au premier plan. L'avenir s'annonçait difficile, mais des investisseurs surprises se manifestèrent en juillet, et entamèrent des négociations accélérées qui aboutirent à leur reprise de l’équipe !

Mirages et désillusions

Les repreneurs étaient emmenés par Gilles Dumas, qui affirma sa volonté de ramener le club en division 1 et s'installer au Stade de France, tout en rachetant et reconstruisant le stade Yves-du-Manoir. Geste symbolique fort, il décida de redonner au club (qui était devenu une SASP) le nom de Racing Club de Paris, et réussit à attirer des sponsors de poids - notamment France Telecom.


Vue large du Stade de France, lors du RCP-Monaco de 2000...
Malgré un budget redevenu énorme et l'achat de nombreux joueurs professionnels pendant les trois saisons suivantes, le Racing ne parvint pas à jouer la montée, et dut même lutter pour ne pas être relégué en 2001-2002. La nouvelle aventure avait pourtant bien commencé avec une qualification en trente-deuxièmes de finale de la coupe en 2000, et un match joué contre Monaco au Stade de France et retransmis par TF1, qui avait remis le club sous les projecteurs.

Mais après avoir sauvé sa place en National sur le terrain en 2002, le Racing fut quand même rétrogradé administrativement par la DNCG, en raison d'une situation financière dégradée depuis plusieurs mois. Le club repartit donc en CFA, puis changea de président avec l'arrivée de Denis-Marie Cintura.

Redevenu Racing CF 92, il aurait pu remonter dès 2003 mais en fut empêché par la DNCG qui jugeait sa situation financière toujours pas rétablie. A nouveau promu sur le terrain en 2004, il fut cette fois autorisé par la DNCG à rejoindre le National, après une longue hésitation de l'organisme de contrôle de la Fédération. Le Racing semblait alors avoir rétabli sa situation et pouvoir repartir de l'avant, mais replongea dans une crise financière grave dès le début de la saison 2004-2005. Une guerre ouverte s'engagea alors entre l'association (le RCF) et Cintura, qui revendit ses parts dans le club à des investisseurs suisses à l'automne. L'homme d'affaires Raymond Jeanrenaud prit ainsi la présidence, alors que sur le terrain l'équipe jouait de façon inattendue les premiers rôles et se mêlait à la lutte pour la montée en Ligue 2. Elle lâcha cependant prise dans les dernières journées, alors que les problèmes financiers étaient réapparus durant l'hiver, et la situation partit cette fois complètement à la dérive en fin de saison.


Dernier match du Racing en National avant liquidation judiciaire, en 2005...
En état de cessation de paiement, le Racing fut placé en redressement judiciaire juste avant la dernière journée, puis mis en liquidation quelques jours après… La SASP disparut donc, et le Racing Club de France reprit le contrôle de l'équipe, mais en Ligue de Paris en principe puisque la DNCG avait décidé de punir le Racing d'une exclusion des championnats nationaux, avec interdiction de remonter avant trois ans ! Le RCF rebâtit alors une équipe de DH, mais décida en parallèle de contester ces sanctions et finit par obtenir - de façon inattendue - gain de cause devant le tribunal administratif en août. Il fut donc réintégré en CFA (qui avait dèjà repris !), mais avec un effectif initialement destiné aux joutes régionales et ne put éviter la relégation en CFA2.

Le retour à l'anonymat

L'équipe remonta dès le printemps suivant, alors que le RCF omnisports était démantelé suite à la perte de la concession de la Croix-Catelan. Le football s'est alors redécouvert des ambitions avec l'arrivée d'un investisseur - Marc Eisenberg - et la reconstitution d'une SASP, mais le nouvel homme fort du club est reparti après une petite saison.

L'équipe est restée trois ans de suite dans la première moitié du classement de CFA, avant d'être renvoyée en CFA2 par la DNCG en 2010 du fait de gros problèmes financiers à nouveau (le gendarme financier l'avait aussi rétrogradée en 2008 et 2009, mais les décisions avaient été infirmées en appel). Sa chute ne s’arrêta pas là : elle descendit en division d’honneur en 2013, puis failli même rejoindre la DSR en 2014. Le couperet passa tout près lors de la dernière journée à Versailles, où les ciels et blancs eurent un pied à l’échelon inférieur après l’ouverture du score par les locaux, mais réussirent à se sauver en l’emportant ensuite.

Le club est resté quatre saisons en DH, avant de remonter en National 3 en 2017, profitant de l’élargissement de celui-ci et prenant la toute dernière place de l’ascenseur.

Le Racing a passé cinq saisons ensuite à ce niveau, avant de gagner sa montée en National 2 au printemps 2022. Ayant un nouveau président ambitieux depuis 2018 (Patrick Norbert, anciennement à la tête du SCO d’Angers), le club vise ouvertement de ne pas s'arrêter là...

Lire la première partie : de 1896 à 1966.

Sources des informations : presse de l'époque avant les années 80 (ensuite, le parcours est contemporain de l'auteur).